Le gaz naturel : Ce qui nous attends en 2023?
21 mai 2022Le gaz naturel est une source d'énergie pratique et relativement abordable pour le chauffage - alors pourquoi est-il inévitable pour le Québec de suivre l'exemple des gouvernements et des villes d'Amérique du Nord et d'Europe qui l'interdisent ?
Au Québec 9 % des nouveaux bâtiments sont encore desservis en gaz naturel (Le Devoir, avril 2022). Si l'on considère que chaque nouvelle installation de chauffage au gaz a une durée de vie de 20 à 30 ans, ceci représente un héritage lourd de conséquences que nos enfants auront à gérer dans le futur.
Le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, M. Benoit Charette, a annoncé en décembre dernier, avec l’annonce en lien avec l’interdiction d’installer ou de réparer des systèmes de chauffage au mazout dans le résidentiel, qu'à compter du 31 décembre 2023, remplacer une chaudière au mazout par un appareil de chauffage fonctionnant au moyen d'un combustible fossile dans les bâtiments existants sera également interdit.
Il semblerait donc que le recours à un système au gaz naturel ou au propane, en remplacement d'un système au mazout, sera interdit fin 2023. Même si le gouvernement n'a pas cité le gaz naturel en particulier, rappelons que le gaz naturel et le propane sont des combustibles fossiles.
Les fournisseurs de gaz mentionnent l'arrivée du « gaz naturel renouvelable » (GNR) dans leur offre de stratégie contre la crise climatique. Mais, bien que le GNR soit en théorie carboneutre, il ne représentait que 0,1 % du volume dans les réseaux de Gaz Naturel en 2020 et ne représentera que 10 % du gaz total brûlé en 2030. La grande majorité du gaz naturel utilisé pour le chauffage serait encore largement d’origine fossile, et donc associée à de fortes émissions de gaz à effet de serre.
Pourquoi le gaz naturel est-il en train d'être éliminé ?
Bien que les cuisinières au gaz soient prisées pour la cuisson des aliments, il faudra bientôt leur dire adieu. Une étude de l’Université Stanford publiée dans la revue Environmental Science & Technology, mentionne que « toutes les émissions de méthane produites par les 43 millions de cuisinières au gaz utilisées aux États-Unis équivalent aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de 500 000 voitures à essence par an. » (Radio-Canada, mai 2022).
Bien que les émissions de dioxyde de carbone provenant de la combustion du gaz naturel soient plus faibles que celles du pétrole ou du charbon, ce ne sont pas les seules émissions à prendre en compte : la combustion du gaz naturel émet également du monoxyde de carbone, des oxydes d'azote (NOx) et du dioxyde de soufre (SO2), ainsi que du méthane, un autre puissant gaz à effet de serre. Les cuisinières libèrent ainsi entre 0,8 et 1,3 % de gaz sous forme de méthane.
Le gaz naturel renouvelable (GNR) en tant que « carburant alternatif »
Le gaz naturel renouvelable (GNR) est un gaz de qualité, interchangeable avec le gaz naturel classique. C’est essentiellement du biogaz (le produit gazeux de la décomposition de la matière organique) qui a été traité selon certaines normes de pureté. Comme le gaz naturel classique, le GNR peut être utilisé comme carburant pour le transport sous forme de gaz naturel comprimé (GNC) ou de gaz naturel liquéfié (GNL). Aux États-Unis, le GNR est considéré comme un biocarburant avancé dans le cadre de la norme sur les carburants renouvelables.
Le biométhane, un autre terme pour ce carburant purifié de qualité pipeline, désigne le biogaz qui a également été nettoyé et conditionné pour éliminer ou réduire les éléments non méthaniques. Moyennant un nettoyage mineur, le biogaz peut être utilisé pour produire de l'électricité et de la chaleur et être utilisé en remplacement du gaz naturel traditionnel pour produire de l'électricité et du chauffage pour les centrales électriques.
Le gaz naturel renouvelable (GNR) n'est donc pas une source d'énergie verte ?
Le gaz naturel renouvelable est présenté comme « une énergie produite de manière propre », la majeure partie de cette énergie étant produite en récupérant une quantité considérable de déchets alimentaires que nous produisons et en les compostant pour produire du biométhane. En Amérique du Nord, jusqu'à 40 % de la nourriture que nous produisons est jetée, la majorité allant dans les décharges où elle pourrit, produisant du méthane qui se répand dans l'atmosphère. Quoiqu’il soit mieux de manger plus et mieux ce que nous cultivons, un usage intelligent pour une partie de ces aliments est la fabrication de compost à réutiliser au jardin.
Collecter tous ces déchets et en faire bon usage en les compostant dans des conditions contrôlées afin de récupérer le méthane et d'utiliser ce gaz pour produire de l'énergie semble certainement une excellente idée, mais, comme pour la plupart des choses, ce n'est pas tout. Le gros problème du méthane est son potentiel de réchauffement planétaire (PRP), un indice permettant aux experts de comparer les effets de toute émission de gaz à ceux du dioxyde de carbone.
Les impacts environnementaux du gaz naturel dont on parle le moins sont issus de l'infrastructure de transport. C'est là que se situe le véritable problème, même s’il est très bien caché derrière le battage publicitaire en faveur de l'écologie. On a par ailleurs calculé que le volume des fuites et des déversements provenant des pipelines et du transport du gaz naturel équivaut aux mêmes émissions de carbone qu'un tiers des véhicules circulant sur les routes américaines.
Ainsi, même si le gaz naturel peut sembler être une bonne idée, il n'y a rien de « propre et vert » dans l'injection de grandes quantités de méthane dans l'atmosphère par des gazoducs non étanches pour maintenir en vie une industrie de l'énergie fossile qui s'épuise rapidement. Surtout que le pourcentage dans les réseaux est très faible, et le restera. Le biogaz doit être capté et utilisé, mais ne doit pas servir de justificatif au maintien d'un réseau de gaz au Québec.
Le gaz naturel est progressivement éliminé dans les villes américaines et en Europe
À l'instar de l'Union européenne, où de nombreux pays ont déjà interdit l'installation du gaz naturel dans les foyers, de grandes villes américaines ont également interdit le gaz ou sont en train de l'éliminer progressivement. San Francisco, Seattle, Denver et New York sont quatre exemples de villes qui ont déjà interdit le gaz naturel ou qui ont proposé des interdictions dans un avenir proche.
En 2019, par un vote unanime de son conseil municipal, la ville de Berkeley, en Californie, a été la première ville américaine à interdire les raccordements au gaz naturel dans les nouveaux bâtiments. 42 villes en Californie ont adopté des interdictions ou des restrictions sévères à cet effet, et la Commission californienne de l'énergie, qui est à mettre à jour les codes de construction de l'État, pourrait facilement adopter une interdiction du gaz à l'échelle de l'État pour toutes les nouvelles constructions.
Au Royaume-Uni, le gouvernement a annoncé qu’il sera interdit d'installer des chaudières et des appareils de chauffage au gaz et au mazout dans toutes les nouvelles habitations d’ici 2025.
Le gaz naturel sera progressivement éliminé au Canada à partir de 2023
Il suffit de lire entre les lignes de la législation qui vient d'entrer en vigueur au Québec et qui interdit l'utilisation du mazout pour les appareils de chauffage et les chaudières à partir de décembre 2021 (ce qui empêche leur installation dans les nouvelles habitations) et d'une deuxième partie bien formulée qui mentionne que « à partir de décembre 2023, aucune habitation équipée d'un appareil de chauffage ou d'une chaudière au mazout ne pourra être réparée ou remplacée par un système utilisant une forme quelconque de combustible fossile ». Il semble donc que décembre 2023 sera la date d'élimination progressive du gaz dans les nouvelles maisons canadiennes.
Combien de temps dureront les réserves de gaz naturel ?
Il est impossible de faire des prévisions exactes, mais sur la base de la consommation mondiale actuelle et des réserves de gaz naturel connues, on prévoit que le monde sera à court de gaz dans environ 50 ans. Cela pourrait bien sûr changer si l'on découvrait de nouvelles réserves ou si l'on s'orientait vers des énergies renouvelables et propres, mais la tendance est là.
Pourquoi le gaz naturel est-il si populaire comme source de chauffage domestique ?
Le gaz naturel est « plus propre » que le charbon ou le pétrole, et ce « fait » a suffi à lancer une campagne de marketing mondiale très réussie pour convaincre les propriétaires que le chauffage au gaz est sûr et propre. Ce n'est pas non plus par hasard qu'il est appelé gaz « naturel » ! L'illusion à laquelle nous nous accrochons, à savoir que la combustion du gaz est propre, combinée à son prix relativement abordable, a conduit à l'hypothèse simple que le chauffage des maisons au gaz naturel est souvent le seul choix raisonnable. C'est propre, mais aussi bon marché, n'est-ce pas ? Eh bien, c'est seulement jusqu'à ce que les lois de l'offre et de la demande entrent en jeu. Le fait de chauffer un si grand nombre de foyers avec cette source de combustible apparemment « abondante » accélère son épuisement et fait grimper les coûts.
Le gaz naturel est peut-être moins cher aujourd'hui, mais nous pensons que c'est faire preuve d'une certaine myopie que de croire qu'il restera la source de chaleur la moins chère dans à peine dix ans, alors que les systèmes de chauffage au gaz ont encore une bonne durée de vie.
Quelle est la meilleure source de chaleur pour une maison ?
Quelques critères doivent être pris en compte lors du choix de la source de chauffage d'une maison : l'impact écologique, le coût et la disponibilité future. Et aucune de ces variables n'est de bon augure pour le gaz. Tout d'abord, les impacts écologiques sont clairs. Le gaz naturel n'est pas aussi mauvais que les autres combustibles fossiles, mais son impact sur l'environnement reste important. En termes de coût, il est peut-être bon marché aujourd'hui, mais cela ne peut pas durer. Alors que les pays, et même les États, les provinces et les villes, soutiennent une transition vers des énergies propres et renouvelables, il semble que le chauffage à l'électricité est la source de combustible la plus propre et la plus durable.
Il est vrai qu'à l'heure actuelle, près de 60 % de la production d'électricité en Amérique du Nord est générée par la combustion de combustibles fossiles mais cela change rapidement avec l'adoption de sources d'énergie plus vertes et durables comme l'énergie solaire photovoltaïque et les parcs éoliens.
Les maisons plus efficaces sont moins chères à long terme
La construction de maisons plus efficaces sur le plan énergétique ou la rénovation énergétique des maisons existantes grâce à des subventions au Canada font partie intégrante de l'équation. En termes simples, l'économie du chauffage domestique est telle que, moins vous perdez de chaleur et d'énergie, moins vous devez en injecter. Si l'on conçoit les maisons de manière à investir dans la réduction des besoins énergétiques plutôt que dans l'infrastructure de chauffage, la source de chaleur devient presque insignifiante. Si nos maisons utilisent 90 % d'énergie en moins, ce qui n'est pas difficile à réaliser, alors une légère augmentation des coûts de combustible devient négligeable.
Avec une conception adéquate, le supplément à payer pour une maison plus efficace sur le plan énergétique est compensé par les économies d'énergie mensuelles, ce qui en fait un mode de vie plus économique.
Les bâtiments sont responsables de plus de 50 % des émissions liées au changement climatique, et tout cela parce que nous les avons construits selon le plus petit dénominateur commun - les normes de performance minimales du code du bâtiment.
C’est pourquoi je vous invite donc à réévaluer la situation de votre propriété, ou de celle que vous envisager acheter et à y apporter graduellement les améliorations nécessaires!
Sources :
ÉcoHabitation. Mai 2022.
La lutte contre les changements climatiques se passe aussi dans votre cuisine. Garachon et Serret, Radio-Canada. Mai 2022.
Des villes envisagent d’interdire le gaz naturel dans les nouvelles constructions. Riopel, Le Devoir. Avril 2022.
Bannissons le gaz naturel dans la nouvelle construction au Québec. Journal de Montréal. Mai 2022.
Le non-sens d’utiliser le gaz naturel comme énergie de transition au Québec. Breton, Boudreau, Saulnier et Sauvé, Le Devoir. Février 2019.
Le Québec toujours friand de pétrole et de gaz naturel. Shields, Le Devoir. Février 2022.